Discret, méthodique et profondément attaché à la rigueur de son métier, Michel Forget fait partie de ces figures qui, sans chercher la lumière médiatique, ont durablement marqué l’histoire de la profession de détective privé en France. Enquêteur aguerri, directeur d’agence, mais aussi fondateur et président du SNARP (Syndicat National des Agents de Recherches Privées), il a œuvré pendant des décennies pour la reconnaissance, la structuration et la moralisation de cette profession à la frontière du droit, de la psychologie et de l’investigation.

Le détective privé Michel Forget

La profession d’agent de recherches privées perd l’une de ses figures les plus marquantes avec la disparition de Michel Forget, survenue le mercredi 2 juillet 2025 à Agadir, au Maroc, où il s’était retiré après 50 ans d’engagement professionnel et syndical. Né le 3 mai 1939 à Laval en Mayenne, Michel Forget a fait ses classes dans l’armée avant de devenir officier de police judiciaire.

En 1964, à tout juste 25 ans, il crée son cabinet de détective privé à Neuilly-sur-Seine, en exerçant d’abord comme indépendant puis en créant sa SARL familiale dénommée Eurodoc, qu’il dirigera jusqu’en 2008 depuis son fief de Crève-Coeur-le-Grand dans l’Oise.

Recherché pour sa rigueur et sa discrétion, il développe une expertise rare dans la lutte contre la contrefaçon, les circuits parallèles et les affaires économiques complexes. Durant sa carrière, il forme personnellement plusieurs générations de confrères, qu’il accompagne avec exigence et bienveillance vers une pratique exemplaire du métier d’enquêteur privé.

Ainsi, Michel Forget s’impose très tôt comme un acteur central de la profession de détective privé, alliant sens de la méthode, autorité morale et ambition collective. Par son action constante, il transforme le métier, l’élève au rang d’activité reconnue et enracine son exercice dans le respect du droit. Son nom demeure aujourd’hui indissociable de la structuration du secteur, de sa reconnaissance par les pouvoirs publics et de la défense d’une déontologie exigeante.

Eurodoc – Agence Forget

Pour Michel Forget, être détective privé ne consiste pas simplement à « surveiller » ou « découvrir » : c’est avant tout un métier d’analyse, d’écoute et de confiance. Dans l’agence Forget – Eurodoc, il a toujours mis en avant la rigueur déontologique.
Chaque mission doit reposer sur un mandat clair, signé par le client, et répondre à un intérêt légitime. Aucune investigation ne peut être menée sans fondement moral ou juridique.

Sa philosophie repose sur deux piliers :

  • La confidentialité absolue, élément vital du rapport entre enquêteur et client.
  • La traçabilité du travail, afin que les preuves recueillies puissent, si besoin, être présentées devant un tribunal.

Il défend l’idée que le détective privé doit être considéré comme un auxiliaire de justice – un acteur indépendant, mais complémentaire des avocats et des magistrats.

De France Détectives au SNARP

C’est à partir de 1994 que Michel Forget s’engage pleinement sur le terrain syndical. Il fonde alors France Détectives, une organisation professionnelle visant à rassembler les agents de recherches privées autour de valeurs communes.
L’objectif de Forget est simple mais ambitieux : unifier une profession éclatée, souvent méconnue des pouvoirs publics, et défendre ses intérêts auprès des institutions.

Sous son impulsion, France Détectives devient rapidement un interlocuteur reconnu. L’organisation milite pour la création d’un véritable statut professionnel, pour la mise en place de formations obligatoires, et pour une représentation officielle auprès des autorités de tutelle.

En 1997, il est élu à la tête du Conseil national des agents de recherches (CNAR), premier syndicat professionnel de l’époque.

En 2004, dans un souci d’union syndicale, France Détectives fusionne avec d’autres structures pour donner naissance au SNARP-FD (France détectives), devenu ensuite le SNARP : Syndicat National des Agents de Recherches Privées.
Michel Forget en devient le président fondateur, avant d’en être nommé président honoraire quelques années plus tard.

Le rôle de Michel Forget au sein du SNARP

Sous sa présidence, le SNARP se dote d’une véritable organisation interne :

  • un bureau national structuré,
  • un code de déontologie contraignant,
  • et un label professionnel garantissant aux clients la fiabilité des détectives membres.

Michel Forget s’attache à ce que le syndicat devienne l’interlocuteur privilégié de l’État, notamment auprès du CNAPS (Conseil National des Activités Privées de Sécurité), organisme chargé d’encadrer les métiers de la sécurité privée et de délivrer les agréments professionnels.

Le SNARP joue ainsi un rôle central dans la rédaction et la mise à jour des textes régissant l’activité d’enquêteur privé. Grâce à des figures comme Forget, la profession obtient :

  • une reconnaissance légale claire (via la loi du 12 juillet 1983, renforcée en 2003),
  • une obligation de formation et d’agrément,
  • et une définition déontologique précise des droits et devoirs des enquêteurs.

Michel Forget s’investit aussi dans la dimension internationale : sous sa présidence, le SNARP rejoint l’IKD (Internationale Kommission der Detektiv-Verbände), qui fédère les syndicats de détectives européens.
Cette adhésion et le rapprochement avec la WAD (World Association of Detectives) renforce la crédibilité du syndicat français, en l’intégrant à une communauté professionnelle mondiale soucieuse d’éthique et de standards communs.

Une voix pour la déontologie et la reconnaissance de la profession d’ARP

Tout au long de son engagement syndical, Michel Forget a défendu une ligne claire : professionnaliser sans bureaucratiser.
Pour lui, un syndicat ne devait pas se limiter à défendre des intérêts corporatistes, mais aussi œuvrer pour la qualité du service rendu au public.
Le SNARP a ainsi mis en place un code d’éthique fondé sur trois principes :

  1. Respect de la loi et des droits fondamentaux,
  2. Transparence envers les clients,
  3. Compétence et formation continue.

Forget insistait souvent sur la responsabilité morale du détective : « Nous ne travaillons pas contre les gens, mais pour la vérité. Notre mission n’a de valeur que si elle s’inscrit dans un cadre juste et loyal. »

Cette vision a inspiré toute une génération d’enquêteurs. Beaucoup reconnaissent avoir été formés ou influencés, directement ou indirectement, par la rigueur intellectuelle et la droiture de Forget.

Les défis du métier de détective privé

Malgré les avancées obtenues, le métier reste confronté à plusieurs défis structurels que Michel Forget a souvent dénoncés :

  • La concurrence déloyale de pseudo-agences non agréées, souvent actives sur Internet, qui nuisent à l’image du secteur.
  • Le manque de sensibilisation du public : beaucoup ignorent encore le rôle légal et les limites d’intervention des détectives.
  • Les dérives éthiques liées à l’usage des nouvelles technologies : surveillance numérique, géolocalisation, collecte de données personnelles, etc.

Le SNARP, sous l’impulsion de Forget, s’est battu pour que le métier s’adapte sans se compromettre. Il prône une modernisation encadrée :

  • utilisation d’outils numériques uniquement dans le respect du RGPD,
  • conservation des preuves dans des conditions juridiques valides,
  • coopération accrue avec les avocats, les huissiers et les assureurs.

L’objectif est de faire du détective privé un acteur intégré du système judiciaire, et non un intervenant marginal.

Aujourd’hui, Michel Forget n’exerce plus de responsabilités opérationnelles au sein du SNARP, mais son empreinte demeure.
Le syndicat continue de s’inspirer de sa ligne directrice : professionnalisme, transparence, éthique et défense de la profession.
Il siège toujours au CNAPS, participe à la définition des formations agréées, et œuvre à maintenir le dialogue avec les institutions européennes.

Forget reste une figure respectée et souvent citée lors des congrès ou des formations. Son parcours symbolise la transition entre une époque artisanale du métier et une ère moderne, structurée et réglementée.

Animation du réseau REZOPI, ancêtre de l’ONARP

Michel FORGET lance au début des années 2000 REZOPI, réseau de coopération et d’échange professionnel gratuit qui rassemble plus de deux cents membres détectives privés. Il anime personnellement ce réseau en modérant les débats, en répondant aux sollicitations et en orientant les réflexions juridiques et déontologiques. Par ailleurs, il veille à ce que REZOPI favorise la solidarité entre confrères, les relais opérationnels et l’échange de bonnes pratiques sans hiérarchiser les contributions. Ensuite, il considère ce réseau comme un espace d’apprentissage collectif où la confrontation des expériences renforce l’expertise individuelle. En outre, il use de REZOPI pour diffuser des guides, des avis sur la réglementation et des alertes sur les dérives professionnelles.

Il fait de la mise en réseau un moyen concret de structuration professionnelle, capable de compenser l’isolement traditionnel de nombreux praticiens. De plus, il appuie la création de l’ESARP, école qu’il parraine et qu’il conçoit comme l’outil de la professionnalisation durable. Par ailleurs, il affirme que la formation représente le levier principal pour donner au métier de détective privé la légitimité et le niveau de compétence requis. Ensuite, il plaide pour des enseignements pratiques et juridiques qui préparent réellement les futurs agents aux exigences réelles du terrain. En outre, il soutient l’idée que la pédagogie syndicale doit concilier normes et pragmatisme opérationnel.

Aujourd’hui, l’ONARP a repris ce rôle en tant que réseau numéro 1 des enquêteurs privés en France.